Arnaud

« ComPaRe , c’est l’occasion de ne plus être pris en charge passivement par le corps médical mais de devenir un acteur participant à un projet de recherche avec une dimension collaborative ! »


En préambule, je tiens à remercier toutes les équipes soignantes médecins, infirmières, aides-soignantes que j’ai croisées durant mon parcours de soins, tant pour leur professionnalisme que pour leur dévouement. Je remercie également l’équipe de recherche ComPaRe pour la qualité des échanges lors de la séance de travail du 19/03/2018, leur disponibilité et leur réactivité dans les échanges de mails.

Le texte qui suit est destiné à apporter un témoignage répondant à trois questionnements : mon parcours de soins (la maladie, le quotidien, la prise en charge), mon implication dans le projet de recherche collaboratif ComPaRe et mes attentes par rapport au projet ComPaRe.


Mon parcours de soins : la maladie, le quotidien, la prise en charge

Etant atteint de plusieurs pathologies, polyarthrite rhumatoïde (PR), dilatation des bronches (DDB) et recherche en cours pour une dyskinésie ciliaire primitive (DCP), j’évoquerai mon « expérience patient ». Il n’y a pas un « parcours de soins type » mais des parcours de soins qu’il est difficile de modéliser.

Les diagnostics
Le diagnostic de la PR a été assez rapide (2 mois), le généraliste m’a orienté vers le rhumatologue après quelques analyses de laboratoire.
Le diagnostic de la DDB a été moins rapide (plusieurs mois), le rhumatologue m’a orienté vers le pneumologue suite à une hospitalisation.
Le diagnostic de la dyskinésie ciliaire primitive, le pneumologue m’a orienté vers l’ORL.
Pour toutes ces pathologies, je suis pris en charge dans trois hôpitaux différents ce qui pose des problèmes de gestion des rendez-vous, de déplacement et d’absence de l’entreprise.
Il serait souhaitable de réfléchir à la mise en place d’une étape de diagnostic global durant laquelle tous les problèmes ressentis par le patient seraient investigués avec orientation le cas échéant vers les spécialistes.

Les différentes équipes médicales
Le ressenti est que les spécialistes des différents hôpitaux fonctionnent en « silo ». Il existe une plateforme informatique de partage du dossier médical mais pas de partage de l’imagerie médicale… Par conséquent, un médecin a demandé à son confrère d’un autre hôpital où je suis suivi de lui adresser le CD ROM d’un scanner… d’où une perte de temps de temps, d’efficacité.
Par ailleurs, pour le patient, la pluralité de spécialistes rend difficilement compréhensible les protocoles de traitements qui se superposent, c’est l’image du « millefeuille ».

Les examens médicaux
Sans contester l’intérêt des examens médicaux (prises de sang, prélèvements divers, imagerie médicale, EFR…), le patient a parfois l’impression que les résultats ne sont pas exploités et qu’ils doivent malgré tout être renouvelés.
Les résultats d’examens médicaux sont rarement expliqués au patient. Du coup, celui-ci cherche les explications sur Internet… En l’absence de formation, le patient peut aboutir à des interprétations erronées. C’est une situation anxiogène.
Il serait souhaitable de réfléchir à la mise en place d’un retour du praticien au patient.

Les traitements
A la pluralité de spécialistes, on peut ajouter la pluralité de traitements, d’ordonnances. Chaque mois, j’ai deux ordonnances de médicaments à aller chercher à la pharmacie. 
Il y a peut-être un risque d’incompatibilité entre certains médicaments.
A chaque hospitalisation, j’ai dû fournir les ordonnances (établies par des praticiens hospitaliers). Sont-elles reportées dans le dossier médical du patient ?

Les échanges entre soignants et patient
En règle générale, les soignants fournissent les explications, ils n’ont pas toujours le temps.
Il serait souhaitable de réfléchir à la mise en place d’une phase post-consultation où un interne ou une infirmière consacrerait un temps d’échange pour répondre aux interrogations du patient. 

L’accompagnement ou coaching
Un malade « expérimenté » pourrait accompagner un malade nouvellement diagnostiqué atteint de la même pathologie (problèmes rencontrés avec les traitements, les conséquences de la maladie et de son évolution sur la vie personnelle et professionnelle, sur les démarches à réaliser pour
obtenir l’ALD, auprès de la MDPH, auprès de l’assurance maladie, de la mutuelle, de l’employeur…).

Les hospitalisations de jour
Il ne m’appartient pas de juger de l’intérêt de ce type d’organisation du point de vue des soignants. Par ailleurs, cela permet au patient de faire tous les examens en un seul jour (gain de temps). Toutefois, c’est ressenti comme de la « médecine industrielle », le patient passe par les différentes étapes du processus de diagnostic, répète à chaque interlocuteur constamment les mêmes informations.

Le vécu de la maladie
La maladie est vécue comme un combat permanent pour revenir à un état de bonne santé permettant d’avoir une vie personnelle, professionnelle, sociale « normale ». 
Il faut convaincre le médecin que les symptômes (douleurs) ne sont pas ou que partiellement d’origine psychologiques. Il faut faire face aux poussées de la maladie, aux effets secondaires de certains médicaments (nausées…), à la fatigue. L’irritabilité provoquée par les douleurs est à l’origine de tensions avec l’entourage personnel et professionnel. La peur de perdre de perdre son emploi ou d’être « mis au placard » du fait de la maladie, conduit à cacher à son entourage professionnel la maladie.


L’implication dans ComPaRe, réflexions sur l’après-midi de participation aux analyses du questionnaire


C’était ma première participation à une analyse dans le cadre d’un projet de recherche, ça s’est révélé particulièrement intéressant. Pour une fois, on n’est plus devant son ordinateur à répondre à un questionnaire anonyme et désincarné. Là, il y a un vrai échange, un dialogue en face à face.

Cette séance de travail était très riche, les échanges portaient non seulement sur le fond (l’analyse des questionnaires) mais également sur quelques aspects de méthodologie. J’ai pu prendre connaissance du type de mémoire qui avait été produit dans le cadre d’un projet de recherche de même type.

J’ai pris connaissance de la très grande diversité des réponses et par conséquent, la complexité à les regrouper par grandes catégories.
Il est intéressant de rebondir, de commenter ces verbatim. Par ailleurs, étant seul en position de patient à faire cet exercice, il n’y avait pas d’interférence ou d’influence de la part d’un autre patient.
Je suis sûr que tous les patients ayant répondu aux questionnaires auraient des idées pour avancer le projet.
Il pourrait peut-être être envisagé d’organiser des séances de travail :
– individuelles à distance, via Skype (ou équivalent),
– collectives en présentiel, des ateliers thématiques avec des groupes de patients volontaires ayant pour thème par exemple, la recherche de pistes de progrès. L’intérêt serait de les faire dialoguer ensemble en complément des entretiens individuels. 


Pourquoi j’ai décidé de participer au projet ComPaRe ? 

Il est important que le patient ne soit plus seulement un « patient » quelqu’un qui attend des soignants un traitement, une prise en charge médicale sans pouvoir exprimer son ressenti, son vécu, ses attentes, ses propositions.

Le projet de recherche ComPaRe  c’est l’occasion de : 

  • ne plus être « objet » pris en charge passivement par le corps médical mais de devenir un acteur participant à un projet de recherche avec une dimension collaborative !
  • ne pas être considéré comme un « consommateur de soins », les gestionnaires de l’hôpital parlent en nombre d’actes, de passages, ce projet de recherche permet de réhabiliter la dimension humaine,
  • prendre du recul par rapport à la maladie, aux traitements, à la prise en charge en milieu hospitalier, au regard des autres sur le malade, au regard des entreprises sur leur salarié malade,
  • témoigner de mon expérience,
  • participer à la collecte des éléments destinés à constituer la représentation (l’image) de l’hôpital que se font les patients,
  • participer à la constitution d’une « communauté » au-delà du clivage patient-soignant,
  • d’inviter les soignants à revisiter certaines pratiques en matière de communication avec les malades,
  • proposer des pistes de progrès, par exemple avec la mise en place d’une « hotline » téléphonique et/ou mail. Le patient pouvant interroger une plateforme où un soignant pourrait apporter des informations sur un traitement, des symptômes inexpliqués… sans attendre le prochain rdv avec le spécialiste,
  • proposer la mise en place de nouvelles façons de communiquer sur les maladies. Aujourd’hui, il y a des informations « grand public » (émission de télévision, des sites internet type « doctissimo »), des sites de CHU où l’on peut prendre connaissance des cours destinés aux étudiants en médecine mais il reste à mettre en place un vecteur d’information intermédiaire plus approfondi, accessible sans formation scientifique de haut niveau et surtout interactive (du type tchat),
  • d’innover, par exemple avec la mise en place de « coach » ou « parrain », un malade « expérimenté » pourrait accompagner un malade atteint de la même pathologie nouvellement diagnostiqué (problèmes rencontrés avec les traitements, les conséquences de la maladie et de son évolution sur la vie personnelle et professionnelle, sur les démarches à réaliser pour obtenir l’ALD, auprès de la MDPH, auprès de l’assurance maladie, de la mutuelle, de l’employeur…)
  • d’expérimenter,
  • co-construire ensemble soignants et patients des pistes pour l’hôpital de demain. Cela pourrait passer par le recueil des propositions de chacun.