Camille Douay, participante de ComPaRe qui témoigne sur sa maladie, la maladie de Verneuil

« C’est un espoir que j’ai (et que je partage avec beaucoup de personnes porteuses de la maladie de Verneuil), celui qu’un jour, la recherche médicale puisse permettre cette avancée, ce grand saut thérapeutique. »


Elle s’était fait entendre pour la première fois au moment où je m’y attendais le moins. J’étais en train de regarder dans un miroir cette enveloppe charnelle qui me dégoûtait tant depuis quelques temps. Elle était arrivée en s’immisçant doucement, puis en s’imposant dans la conscience. Je n’avais pas la moindre idée d’où elle venait, ni ce qu’elle venait faire ici, mais mon petit doigt me disait qu’elle ne me lâcherait pas de sitôt. – Tu vas te bouger les fesses ma poule, ou bien tu comptes te mirer ainsi durant des heures ?

N’allez pas me prendre pour une folle. Non, je ne m’étais pas mise à chercher avec insistance d’où provenait cette voix. Je savais parfaitement qu’elle venait de ma propre conscience. Je m’étais de nouveau regardé dans le miroir qui me faisait face. En me regardant ainsi, c’est un peu comme si je la regardais elle. Elle a continué à m’interpeller. – Ben quoi ? Tu crois vraiment que t’apitoyer sur ton sort y changera quelque chose. Ok, la vie n’est pas facile, mais ça, tu le savais déjà. Ok, tu n’as pas demandé à être malade, mais personne ne demande ce genre de chose. Alors maintenant, deux possibilités : soit tu attends sagement que le temps passe en rongeant ton frein et en maudissant tout le monde – famille, amis, médecins – soit tu décides que tu veux continuer à vivre et tu te bouges ! Et elle était partie… Comme ça. Aussi rapidement qu’elle était apparue.

J’avais rajusté mon peignoir pour aller m’allonger sur mon lit d’hôpital. J’entrais dans ma deuxième semaine d’hospitalisation, troisième hospitalisation de l’année et je commençais à trouver le temps long. Ma voisine de chambre n’était pas là. Tant mieux… J’allais pouvoir réfléchir tranquillement à cette rencontre. Mais elle avait raison cette petite voix. Depuis l’annonce du diagnostic de ma maladie, je m’étais laissée aller, et j’estimais en avoir le droit et avoir mes raisons. 

Bon, à ce stade là, il faudrait que je vous explique un peu de quoi il s’agit en réalité. Je m’appelle Camille, j’ai vingt-six ans et je suis tombée malade il y a un peu plus de trois ans. Bon, tomber malade… Je ne m’étais pas cassée la figure en marchant dans la rue, mais la maladie m’était quand même un peu tombée dessus, sans crier gare.

Le comble de l’ironie, c’est que c’est mon job de soigner, d’accompagner les gens malades. J’étais infirmière. Au bloc opératoire. J’aimais mon métier par-dessus tout. J’aimais le milieu du bloc, la technicité de mon poste, mais également la relation que l’on peut avoir avec les patients avant et après leur intervention. 

Et puis un jour, ce fut mon tour. Je suis passée de l’autre côté de la blouse blanche. Sans prévenir, le diagnostic est tombé : « Mademoiselle, je suis formel, il s’agit bien d’une maladie de Verneuil et d’un syndrome de Gougerot Sjogren ». Atchouuum ! Merci pour les termes médicaux imbuvables – même pour une infirmière.  

Mais c’était quoi au juste cette maladie de Verneuil ? Malgré mon boulot, je n’en avais jamais entendu parler. Alors comme beaucoup, je suis allée faire un petit tour sur internet (je sais, je sais… c’est pas bien). Et là, le choc. Vous voyez à quoi ressemble un œuf de poule ? Et bien, imaginez-vous que vous en avez plusieurs très bien placés (par exemple sous les aisselles ou dans les plis de l’aine, sinon c’est pas drôle), que ces petites choses explosent de temps en temps (au sens propre du terme), que le jogging devient votre meilleur ami lors de vos poussées et vous aurez une idée assez proche de la réalité de ce qu’est la maladie de Verneuil.  

Après avoir feuilleté plusieurs sites, je me suis aperçue que Verneuil te tombe dessus du jour au lendemain. Pas de cause, pas d’élément déclencheur réellement identifié. Et concernant les traitements… Et ben néant. En gros, on venait de m’annoncer que j’étais porteuse d’une maladie dont personne ne connaissait l’origine et que je ne pouvais pas en guérir.

Les seuls traitements possibles étaient les antibiotiques (à haute dose) et la chirurgie (pas forcément envie de passer de l’autre côté de la table d’opération), mais on n’a pas toujours le choix quand la douleur est trop importante.  Du jour au lendemain, ma vie est donc devenue douleur, réactions allergiques multiples aux antibiotiques, opérations, soins infirmiers, re douleur (parce que l’on n’en a jamais assez), modification de l’image corporelle, doutes, idées noires… Et j’en passe… Jusqu’au jour où cette petite voix est entrée dans ma tête. Bon, je ne l’ai jamais vue, mais je l’imagine un peu comme une petite pieuvre (parce qu’elle s’accroche à mon esprit et m’empêche de flancher) rose poudrée (parce que j’aime le rose tout simplement). C’est elle qui me permet de tenir, de me mettre un coup de pieds aux fesses lorsque je flanche. C’est elle qui m’a permis d’accepter la maladie et surtout, d’en faire quelque chose de positif (dur dur dis comme ça, n’est-ce pas). Et pourtant… Le chemin n’a pas été facile.

Toutefois, je pense pouvoir aujourd’hui dire que je suis passée de l’état de jeune adulte malade dépressive et découragée à celui de jeune adulte, toujours malade (mais l’ayant accepté), qui profite de la vie et qui goûte enfin au bonheur… J’ai toutefois encore une petite attente (c’est ironique bien sûr, c’est une groooooosse attente) du côté médical. Celle que l’on puisse trouver, un jour, un traitement efficace, mais surtout, bien toléré par mon organisme. Parce que si c’est pour accepter une thérapeutique qui me détraque plus qu’elle ne te fait du bien (c’est un peu comme peser les bénéfices et les risques sur une balance), non merci… Alors oui, j’en demande beaucoup, je demande peut-être même l’impossible. Mais c’est un espoir que j’ai (et que je partage avec beaucoup de personnes porteuses de la maladie de Verneuil), celui qu’un jour, la recherche médicale puisse permettre cette avancée, ce grand saut thérapeutique. Un espoir où nous n’aurions plus à avoir mal, à subir les aléas de nos poussées abcédées. Cet espoir où nous pourrions travailler, nous épanouir personnellement, sans que Verneuil ne soit un frein dans notre vie. Un espoir… Peut-être pas si loin…  

Le blog de Camille : 
http://live-a-sunny-life.com