Manon est une participante de ComPaRe

« La véritable force de ComPaRe, c’est de rapprocher la recherche des patients. Le simple fait qu’il n’y ait qu’un email entre les patients et les chercheurs, c’est déjà un grand pas. »


Comme d’autres patients qui ont déjà témoigné, j’ai plusieurs maladies chroniques : une maladie de Crohn, une mastocytose et une insuffisance corticotrope. Parfois on me dit que cela fait de moi « un cas intéressant ». Il y a deux points de vue pour « le cas intéressant », celui du patient, et celui du médecin/du chercheur.

Pour la maladie de Crohn, on peut dire que « j’ai eu de la chance », j’ai eu un diagnostic rapide parce que les symptômes étaient sans appel. J’ai eu aussi accès très rapidement à des « biothérapies ».  Ce sont des médicaments à prescription hospitalière, onéreux, mais qui dans mon cas fonctionnement plutôt bien, même si l’on est parfois obligé d’administrer des doses jusqu’à 2 fois l’AMM. Et bien souvent, on complète ces traitements de fond par encore d’autres molécules. Evidemment il y a des effets secondaires dont on paye le prix, sans vouloir faire  de jeu de mot. 

Pour la mastocytose, ça a été plus compliqué. C’est une maladie « systémique », qui touche plusieurs organes. Le diagnostic n’a été posé qu’en 2016 (alors que j’avais 29 ans), mais j’ai des symptômes depuis l’enfance, que je ne pensais pas tous être « des symptômes », je pensais que c’était « normal ».  Jeune adulte j’ai eu peu à peu plusieurs organes vraiment malades. Au fur et à mesure,  j’avais un suivi chez le gastroentérologue, chez le pneumologue, chez l’urologue, chez le gynécologue, chez le rhumatologue, chez l’allergologue, le cardiologue, au centre anti-douleur, puis en médecine interne…bref, quasiment toutes les spécialités médicales ! Même si à chaque consultation médicale on essaye d’améliorer les choses, il y a une errance diagnostique terrible. Et même après le diagnostic, ce n’est pas simple parce qu’on ne connaît pas aussi bien la mastocytose que la maladie de Crohn par exemple. Concrètement, la recherche n’est pas assez avancée pour avoir une  large palette de médicaments efficaces, donc la maladie « progresse ». 

Enfin, j’ai une insuffisance corticotrope. C’est un des effets secondaires possibles d’un des traitements que j’ai eus pour la maladie de Crohn. C’est une maladie rare également, mais c’est une « maladie simple », dont les médecins comprennent les mécanismes. Le diagnostic et la surveillance ne consistent qu’en une simple prise de sang. On sait facilement si la maladie stagne ou si elle régresse. Je prends un traitement de substitution quotidien. La seule chose un peu stressante c’est qu’il ne faut pas du tout oublier ce traitement. Il y a aussi une injection d’urgence à administrer en cas de stress (tous types de stress) qu’il faut toujours avoir sur soi. 

Bref, j’ai cette palette de maladies toutes chroniques et assez variées : rares ou pas, de diagnostic difficile ou pas, évolutives ou pas, avec des traitements qui existent ou pas. Evidemment, c’est presque un pléonasme de dire que je préférerais être en bonne santé ! Mais indéniablement, je comprends le point de vue du médecin et du chercheur pour lesquels mes maladies font de moi « un cas intéressant ». Il y a toujours une ambivalence entre moi, la patiente avec un corps et une tête, et une vie que j’essaye de mener, et le cas clinique, le numéro de patient, l’expérience de recherche. 

Il se trouve que j’ai une formation de chercheur, chimiste. Comme je suis jeune, je n’ai pas de poste fixe, je fais des « post-doctorat ». Ce n’est pas facile d’être malade et de travailler, mais ça c’est une autre question. L’avantage de ma formation de chimiste et de chercheur, c’est que je comprends bien pourquoi « je suis un cas intéressant ». Je ne me vexe pas quand un médecin sourit avec les yeux qui pétillent quand j’expose mon « CV médical ». J’ai déjà été « flattée » par un médecin me disant : « une consultation avec toi, c’est presque une discussion entre collègues ». Un patient éclairé et un médecin/chercheur à l’écoute, c’est forcément une relation gagnant-gagnant. 

Il me semble que la véritable force du projet ComPaRe, c’est de rapprocher la recherche des patients. Le simple fait qu’il n’y ait qu’un email entre les patients et les chercheurs, c’est un grand pas. 

En outre, s’intéresser à de nombreux aspects de la maladie chronique en général, par le biais de la plateforme et des questionnaires, cela permet de mettre en place comme une consultation médicale géante, et je parie qu’on trouvera de nombreux points de convergence ; les malades chroniques sont chacun et tous « des cas intéressants » avec davantage de points communs que l’on ne pense, malgré la pluralité et la versatilité des maladies. Le cloisonnement des patients, de la médecine, des savoirs, dessert la recherche. Le projet Compare « fait tomber des barrières ».

Enfin, donner la parole à des patients via un site de chercheurs, comme dans cet article, c’est aussi un grand pas. Comme le répète souvent un de mes médecins également chercheur au CNRS : « Il faut toujours écouter le patient ». Ecouter, parler et échanger davantage, il me semble que c’est une très bonne façon de progresser. 

Merci à ComPaRe de m’avoir donné la parole ici !

J’écris aussi sur mon blog (drôle ! « autant que faire se peut ») www.alorscommentcava.com