Marie-France Bru, une participante de ComPaRe qui témoigne sur sa maladie

« Nous soutenons et encourageons activement tous les malades à rejoindre la cohorte ComPaRe sur la maladie de Verneuil. Cette expérience inédite nous permettra d’en savoir beaucoup plus sur notre maladie, alors inscrivez-vous, participez ».


Quand de l’entraide renaît l’espoir

Tout commence le jour où sa vie bascule de l’autre côté. Quand de « bien portant”, on se retrouve soudainement dans le camp des “malades”. C’est ce qui m’est arrivé, il y a vingt huit ans, alors que j’avais 31 ans, et que dans la vie tout me souriait.

La soudaine apparition de plusieurs nodules franchement douloureux et mal placés me conduisirent tout droit du cabinet de mon père vers une table d’intervention. Diagnostic confirmé : maladie de Verneuil. Entre nous, quelle chanceuse j’ai été d’être aussi vite diagnostiquée, mais ça je ne le savais pas. En effet, sans Internet à cette époque, nous sommes en 1992, difficile de trouver facilement des informations sur cette maladie dont j’entendais prononcer le nom pour la 1ère fois de ma vie. Douce et docile, je me suis laissée opérée, sans trop me poser de questions. Après tout, le problème était identifié, le geste pratiqué. Pourquoi aurais-je dû m’en faire? J’aurais pourtant pu être plus perspicace quand le chirurgien, un ami de la famille, m’a dit avec son plus gentil sourire, « reviens me voir chaque fois qu’il le faudra ma chérie … ». J’avais alors bêtement pris sa phrase pour une boutade…

La prise de conscience est arrivée lorsqu’une deuxième intervention fut nécessaire en 1996, après une ré-apparition fulgurante de la maladie et que l’on pratiqua l’exérèse totale de la première aisselle. Le chirurgien, fort délicatement, joignit ces quelques mots à mon père dans le compte-rendu opératoire : “votre fille va devoir s’armer de beaucoup de patience et de courage”. Diagnostiquée à ce moment là au stade 3 de la maladie, stade le plus sévère, j’ai enchaîné 7 interventions espacées chacune de 3 semaines pour exérèses larges et greffes. 

Alors Attachée de Recherche Clinique en activité, j’ai systématiquement repris mon travail après une semaine d’arrêt maladie et cela à chacune de ces 7 lourdes interventions car je ne tenais surtout pas à cette époque à parler de cette maladie à mes collègues et de ce qu’elle entrainait sur mon corps. Je n’aurais pas su leur expliquer ce que j’avais sans me sentir salie, honteuse… Je me suis mise en quête d’informations. Dans les livres de médecine, sur Internet (qui en était à ses débuts), mais je ne trouvais quasiment aucune information et rien ne me permettait de rassasier ma soif de comprendre ce que j’avais, ni surtout pourquoi j’en étais là! A cette époque une recherche sur le moteur de recherche Yahoo (pas de Google à cette époque !) me renvoyait 2 réponses. Oui uniquement 2 réponses vous avez bien lu. L’une était pour acheter un sac rempli de noyaux de cerises à mettre au micro-ondes et à placer sous ses fesses pour soulager… Comment dire, j’avais beaucoup de mal à imaginer comment ce sac rempli de noyaux de cerises (donc certainement fort peu confortable…) pouvait me soulager en le plaçant à un endroit qui me faisait déjà tant souffrir ! L’autre réponse consistait en 3 lignes de texte écrites par un médecin, malheureusement décédé entre temps.
Les interventions se succédaient, et je n’étais pas plus avancée. Je sentais bien que mon moral commençait à flancher, mais il était hors de question pour moi de laisser transparaître la moindre détresse.

Retrouver la confiance

Si je devais faire face à quelque chose de long, alors je devais d’abord savoir ce que j’allais affronter. J’ai donc cherché à contacter d’autres malades atteints de la même maladie que moi.
C’est ainsi que je me suis retrouvée en 1997 inscrite sur une liste de discussion anglophone au Canada. J’ai alors très vite réalisée que j’étais la seule francophone, pour la bonne raison, qu’il fallait alors savoir que la maladie de Verneuil était connue, dans les autres pays, sous le nom d’ « hidradenitis suppurativa ». J’ai très vite pris la décision de mettre à profit mes diverses périodes d’arrêt maladie pour créer un site Internet en Français. Il m’a fallu une année entière de recherches, de traductions, mais aussi d’apprentissage de logiciels informatiques. À cette époque tout se faisait en écrivant de longues lignes de codes. Un langage barbare qu’il a bien fallu apprendre pour arriver à mes fins. Cette période fut réellement la première étape de mon envie de « partager » avec d’autres malades. Le jour même de la mise en ligne du site, en novembre 1999, j’ai reçu un premier message de Belgique. J’étais si heureuse! Je n’étais plus seule. Je retrouvais enfin mon courage et ma confiance en l’avenir. Au fur et à mesure que de nouveaux malades nous rejoignaient, je prenais conscience de l’immense tâche qui m’attendait alors. La création d’une association me semblait une suite logique, et a très vite suivie. L’AFRH était née. Nous étions le 9 février 2000 et n’étions qu’une poignée de pionniers à nous lancer dans cette folle aventure.

Le choc de la perte de son emploi et ses conséquences

Malheureusement la vie n’est pas toujours aussi belle qu’on le voudrait. 21 interventions sous AG plus tard, dont plusieurs greffes, et une fatigue allant sans cesse croissante, le coup de grâce est tombé en 2001 lorsque la médecine du travail m’a déclarée inapte à mon poste de travail et mise d’office en invalidité. Aujourd’hui je peux le dire, c’est assurément l’une des conséquences de la maladie qui m’a le plus affecté dans ma vie. Le choc a été brutal et source d’une énorme exacerbation de la maladie et d’un début de dépression. En effet, outre le dépit de perdre un emploi que j’adorais, nous allions devoir mon mari et moi faire face avec nos 3 jeunes enfants à un énorme changement de vie sur le plan financier. J’ignorais alors qu’il allait me falloir attendre près de 8 mois avant de commencer à percevoir ma 1ère pension d’invalidité qui s’élevait alors royalement à 450 euros, soit moins du quart de mon salaire d’Attachée de Recherche Clinique. A cette époque j’étais réellement en rage contre cette saleté de maladie et tout ce qu’elle détruisait dans ma vie chaque jour un peu plus, et encore un peu plus… Jusqu’où, jusqu’à quand cela irait-il ?

Restaurer la conscience

Heureusement, le travail effectué pour l’association, avec et aux côtés des malades, m’a heureusement, tout doucement et insidieusement amenée à une certaine acceptation de ma maladie. Il y avait certes toujours les interventions, bien entendu, mais j’y allais je crois aujourd’hui un peu plus sereine. Une première évidence s’est très vite imposée à moi, les malades n’attendaient pas de notre association un simple apport d’informations. Ils voulaient aussi entrer en contact avec “ceux qui savent, ceux qui vivent la même chose”. Il fallait, en outre, leur redonner la force de se battre, faire naître en eux une lueur d’espoir, les engager à passer du statut de spectateur à celui d’acteur sur leur maladie. Comme dans beaucoup d’autres pathologies chroniques, pour lesquelles il n’existe pas encore de traitements, un grand nombre d’entre eux s’étaient détournés du corps médical pour se laisser séduire par le monde de l’irrationnel, de ces vendeurs de miracles, magnétiseurs, gourous de sciences ou médecines dites énergétiques. Mais qu’y trouvaient-ils donc de plus? Le plus souvent une oreille, de l’attention, ou une simple reconnaissance de leur statut de malade. En les aidant à comprendre que l’impuissance des médecins à les diagnostiquer, et à plus forte raison à les guérir, découlait plus d’un manque d’information, de traitement disponible que d’un désintérêt de leur part, nous avons permis de provoquer un retour au dialogue médecin-patient. En engageant nos adhérents à se rendre chez leurs médecins, en les engageant à participer à cet effort d’information, nous leur ouvrons une nouvelle voie. Celle de l’échange.

Renforcer la compétence

C’est donc dans cet esprit que j’ai travaillé, afin de fournir au corps médical la meilleure information possible sur le vécu et l’expérience des malades, mais aussi et surtout sur l’évolution des connaissances sur cette pathologie de la façon la plus actualisée qui soit. Il ne suffisait pas de “sentir” les choses pour qu’elles se fassent. Encore fallait-il les étayer sur des bases solides. Pour cela j’ai cherché, lu, sollicité l’appui de différents médecins, souvent peu enclins, il faut l’avouer, à s’engager à nos côtés. Ce travail d’information des professionnels s’avérait pourtant indispensable face à une maladie dont la plupart n’avaient même jamais entendu parler au cours de leurs études.

Aujourd’hui notre association possède un Comité Scientifique pluri-disciplinaire sous la Présidence du Professeur Join-Lambert. Durant ces 18 dernières années d’existence, notre association a participé et soutenu de très nombreux essais cliniques en aidant activement des laboratoires et des médecins investigateurs au recrutement de patients volontaires. Aujourd’hui, pour la 1ère fois, l’AFRH finance elle même, grâce aux dons faits par ses adhérents une étude clinique véritablement innovante, sur un sujet encore jamais abordé. Nous soutenons et encourageons activement tous les malades à rejoindre la cohorte ComPaRe sur la maladie de Verneuil. Cette expérience inédite nous permettra d’en savoir beaucoup plus sur notre maladie, alors inscrivez-vous, participez.
Après plus d’un siècle et demi de quasi silence, la maladie de Verneuil fait enfin l’objet de plus en plus nombreuses études et publications médicales, alors ne lâchons rien.

Tous ensemble pour lutter contre Verneuil

Je souhaiterais finir ce témoignage en vous parlant rapidement du combat actuel de notre association qui consiste à offrir des peluches éducatives afin de tenter de diminuer le délai de diagnostic qui est encore, en 2018, de plus de 8 années en France. Je lance donc un appel à tous ceux qui veulent s’investir et nous apporter leur concours, car nous n’avons pas encore achevé notre travail, loin de là. Tous ensemble nous pouvons encore renforcer nos compétences, et de cette entraide faire renaître l’espoir et envisager un avenir meilleur pour les malades et leur famille!…


« Mettre un mot sur un mal, c’est mettre à mal tous les maux »


Marie-France Bru-Daprés
Adresse mail : mfrance.bru@afrh.fr
Présidente & Fondatrice de l’A.F.R.H. (Association Française pour la Recherche sur l’Hidrosadénite)

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