Une personne sur cinq fera l’expérience de la dépression au cours de sa vie, selon les chiffres de l’OMS. La science nous aide à mieux comprendre la dépression et à développer les interventions de santé de demain qui aideront les personnes concernées. ComPaRe Dépression vous présente régulièrement un article scientifique important pour vous tenir au courant des avancées.
RESUME DE L’ARTICLE
L’électro-convulsivothérapie (ECT) est un traitement qui a montré son efficacité depuis des décennies pour les troubles de l’humeur et psychotiques sévères. Récemment, de nouveaux traitements ont été approuvés pour la dépression. Cependant, aucun de ces traitements n’a remplacé l’ECT pour les personne ayant une forme de dépression sévère ou des troubles psychotiques graves.
Des études ont montré que l’ECT réduit le risque de suicide, améliore les résultats fonctionnels et la qualité de vie, et diminue les taux de ré-hospitalisation. Il peut rapidement améliorer les symptômes dépressifs, psychotiques et catatoniques, avec des taux de réponse et de rémission élevés.
De nos jours, la pratique de l’ECT est réalisée sous anesthésie générale brève associée à une surveillance continue. Une charge électrique est administrée au cerveau à travers des électrodes placées sur le cuir chevelu, induisant une crise d’épilepsie généralisée de courte durée. La plupart des patients reçoivent entre 6 et 12 séances réparties sur 2 à 4 semaines. Malgré son efficacité, l’ECT reste sous-utilisée dans de nombreux pays. Son utilisation étant limitée par la stigmatisation et le manque de connaissances sur cette thérapie.
Indications cliniques
En 2018, la Food and Drug Administration (l’équivalent français de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM) a autorisé l’utilisation de l’ECT dans le traitement des épisodes dépressifs majeurs unipolaires ou bipolaires sévères ou de la catatonie chez les personnes de 13 ans ou plus, dont le trouble est « résistant au traitement ou qui nécessitent une réponse rapide en raison de la gravité de leur état psychiatrique ou médical. »
Néanmoins, l’ECT a été testée pour d’autres affections, notamment le trouble bipolaire (états maniaques ou mixtes), la schizophrénie, la maladie de Parkinson, les comportements auto-agressifs dus à l’autisme, les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence et l’épilepsie. L’utilisation de l’ECT dans ces cas ne peut être recommandée à l’heure actuelle en raison du faible nombre d’études disponible.
Déroulement du traitement
L’ECT comporte deux phases de soins. Dans la phase initiale, l’objectif est une diminution des symptômes présentés par le patient. Les patients sont évalués cliniquement après chaque traitement pour les bénéfices et les effets secondaires, avec des évaluations périodiques basées sur des échelles couramment utilisées. Après une amélioration clinique suffisante, l’ECT n’est généralement pas arrêtée brusquement pour éviter les rechutes. Les stratégies de prévention des rechutes incluent la diminution progressive de l’ECT et la poursuite d’un traitement médicamenteux. Bien que ces approches réduisent les taux de rechute, la durée des bénéfices de l’ECT varie et la prévention des rechutes reste un défi clinique.
Techniques d’ECT
L’ECT utilise trois configurations de placement d’électrodes : bilatéral (bitemporal), unilatéral droit et bi-frontal. Toutes sont efficaces avec une dose de charge appropriée. Le placement bilatéral est standard dans de nombreux pays, offrant une haute efficacité mais entraînant souvent plus d’effets cognitifs indésirables. L’ECT unilatéral droit peut être aussi efficace que l’ECT bilatéral pour certains patients, avec moins d’effets cognitifs. La dose de stimulus électrique est ajustée pour maximiser l’efficacité tout en limitant les effets cognitifs indésirables.
Sécurité d’utilisation
La mortalité estimée avec l’ECT est d’environ 2,1 décès pour 100 000 traitements, principalement dus à des complications cardio-pulmonaires aiguës, survenant dans moins de 1% des cas. Les effets indésirables graves sont rares et peuvent inclure des arythmies cardiaques, des détresses respiratoires, des apnées prolongées et des crises d’épilepsie prolongées. Des effets secondaires mineurs comme des maux de tête, des douleurs à la mâchoire et des nausées sont courants mais temporaires. Les patients à risque cardiovasculaire peuvent nécessiter une consultation cardiologique préalable. En général, les effets indésirables de l’ECT sont gérables et ne nécessitent qu’un traitement symptomatique.
Effets cognitifs
Les préoccupations des patients, des prestataires de soins et du public concernant les troubles cognitifs restent des obstacles à l’utilisation de l’ECT. Cependant, la pratique contemporaine de l’ECT entraîne moins d’effets secondaires cognitifs qu’auparavant. Des études ont cherché à caractériser le type, l’étendue et l’évolution des déficits cognitifs résultant de l’ECT et à identifier des techniques pour prévenir ou atténuer ces effets. Les principaux domaines cognitifs évalués sont la mémoire, l’attention, les fonctions exécutives et la vitesse de traitement. Les effets cognitifs varient selon les patients et les techniques d’ECT, avec une plus grande altération cognitive associée à un placement bilatéral des électrodes, un plus grand nombre de traitements et une charge de stimulus électrique plus élevée. En revanche, moins d’altération cognitive est associée au placement unilatéral droit des électrodes, à des largeurs d’impulsion ultrabrèves et à des cures de traitement plus courtes. La plupart des patients présentent des effets secondaires cognitifs légers à modérés, qui se résolvent généralement dans les jours à semaines suivant la fin du traitement. L’amnésie antérograde (perte de mémoire pour les événements qui se produisent après la cure d’ECT) disparaît généralement en 2 à 4 semaines, tandis que l’amnésie rétrograde (perte de mémoire pour les événements qui se sont produits avant la cure) se développe progressivement sur plusieurs traitements et peut persister pendant plus d’un an chez certains patients.
Effets neurobiologiques
Des études neurologiques n’ont pas montré de lésions cérébrales structurelles après l’ECT, mais des changements dans le volume de matière grise et dans l’intégrité des voies de matière blanche ont été observés.
Conclusion
Malgré la stigmatisation et les campagnes anti-ECT, des directives médicales recommandent l’utilisation de l’ECT pour certaines maladies psychiatriques sévères résistantes au traitement. L’ECT reste un traitement précieux, bien que des efforts continus soient nécessaires pour surmonter les obstacles à son utilisation.
*Résumé et adaptation française de l’article de Espinoza et Kellner : “ Electroconvulsive Therapy. » N Engl J Med. 2022 Feb 17;386(7):667-672. doi: 10.1056/NEJMra2034954. PMID: 35172057.