Nous vous proposons des dossiers thématiques autour de la dépression afin de vous tenir informés des avancées scientifiques, et de l’actualité des soins.
A l’occasion de la Journée internationale de prévention du suicide et de Septembre jaune, ComPaRe Dépression propose de lever le voile sur ce sujet délicat, et, pour beaucoup d’entre nous, douloureux, afin de favoriser une culture de la prévention.
Le suicide en quelques chiffres
Selon l’OMS, plus de 700 000 personnes sont décédées par suicide en 2019, avec un taux plus élevé chez les hommes et dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (1). La moitié des décès surviennent avant 50 ans, faisant du suicide la quatrième cause de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans.
En France, environ 9 000 décès par suicide par an sont recensés (2). Depuis 2000, les taux de suicide ont globalement diminué, avec une baisse de 33,5 %. Cependant, la pandémie de Covid-19 a entraîné une hausse des pensées suicidaires et des tentatives de suicide (3).
Malheureusement, le recours à une aide professionnelle lors de la survenue de pensées suicidaire est encore loin d’être systématique : seule une personne sur trois y fait appel et plus de 50% des personnes ayant fait une tentative de suicide ne bénéficient pas d’un suivi professionnel par la suite.
Quand la science s’intéresse au suicide
Du Moyen Âge jusqu’à la Révolution française, le suicide en Europe a été le plus souvent considéré comme un péché et/ou un crime.
A partir du 19e siècle, la médecine a émis l’hypothèse que certains suicides pourraient être causés par des maladies et en particulier des maladies mentales, et notamment la mélancolie, qui à l’époque avait une définition bien plus large qu’actuellement.
Au delà de la médecine, et contre l’idée que le suicide soit un acte qui reflèterait un « libre arbitre », Emile Durkheim, père fondateur de la sociologie en France, a cherché à identifier les causes du suicide. En mobilisant des techniques de statistiques naissantes et en comparant les données démographiques des principaux pays européens, il a défini quatre types de suicides basés sur différents niveaux de régulation sociale et d’intégration sociale. Bien que ces catégories n’aient pas vraiment résisté à l’examen moderne, elles constituent l’une des premières tentatives d’explication de l’acte suicidaire par des causes autres que biologiques ou psychologiques.
La connaissance des conduites suicidaires a largement progressé à partir de l’après-guerre avec un intérêt croissant de la part de plusieurs disciplines et avec l’émergence de la suicidologie. Ces travaux ont contribué à amorcer le passage d’une vision du suicide comme un échec moral à un problème de santé évitable.
C’est le cas par exemple de la théorie de Shneidman, un médecin légiste qui a analysé des centaines de lettres de personnes décédées par suicide. Shneidman, propose de comprendre le suicide comme l’ultime acte pour échapper à une souffrance insupportable qu’il appelle douleur psychique (« psychache »). Cette souffrance selon Shneidman survient lorsqu’une personne voit ses besoins psychologiques non comblés. Parmi ces besoins, il dénombre le besoin d’appartenance (se sentir lié aux autres), le besoin d’estime de soi, d’accomplissement, de sens, de contrôle, de justice, etc.
Ces dernières années, des recherches ont pour but d’identifier les bases biologiques du suicide. Il existe par exemple des recherches en génétique, fondées sur le constat du poids de l’hérédité : les antécédents familiaux de suicide est un des plus forts facteur de risque. Des recherches investiguent le rôle des hormones impliquées dans la réponse au stress ou les hormones sexuelles ou encore le rôle de l’inflammation et du système immunitaire.
Malgré le développement des connaissances scientifiques sur le suicide, il s’agit toujours d’un sujet sensible, tabou et entouré d’idées reçues.
Dépression et suicide : quelle(s) relation(s)?
Les conduites suicidaires résultent d’une combinaison de plusieurs facteurs. Ainsi les caractéristiques individuelles comme l’âge, le sexe et le genre sont des facteurs de risque importants : être une femme est un facteur de risque de tentative de suicide, être un homme est un facteur de risque de décès par suicide. Les évènements de vie stressants (séparation, perte d’emploi, annonce d’une maladie grave), y compris ceux à connotation positive sont aussi identifiés comme facteurs de risque (4).
Les autopsies psychologiques retrouvent très fréquemment une dépression. En effet, environ 60 % des personnes décédées par suicide souffraient d’une dépression, le plus souvent non diagnostiquée ou non traitée (5). Il existe donc un lien fort entre la dépression et le suicide. L’humeur basse, dont l’explication scientifique repose actuellement sur des anomalies dans les systèmes de neurotransmission du cerveau impliquant la sérotonine ou la dopamine, augmente le risque de comportements suicidaires. La présence en continu d’émotions négatives fortes comme le désespoir ou la culpabilité excessive, la perte de plaisir et surtout le pessimisme sur l’avenir alimentent les idées suicidaires. Enfin, la dépression affaiblit les capacités à faire face aux difficultés (capacité cognitive, physique, émotionnelle), et rend ainsi les individus plus vulnérables aux comportements suicidaires.
La dépression étant liée au suicide, il est essentiel d’évaluer le risque de suicide chez toute personne qui en souffre. Identifier les signes avant-coureurs est crucial pour prévenir les comportements suicidaires. Voici quelques signaux d’alerte à prendre au sérieux, notamment lorsqu’ils s’ajoutent les uns aux autres :
- Changements de comportement : agitation, nervosité, accès de colère, difficultés de concentration, expression d’une tristesse intense
- Troubles du sommeil et/ou de l’alimentation
- Abus d’alcool ou de drogue
- Auto-agressivité physique et psychologique
- Isolement social, conflits amicaux
- Paroles suicidaires
- Rédiger son testament, faire ses adieux
Que faut-il retenir?
✅ Le suicide, c’est l’issue complexe et tragique de nombreux facteurs de risque: la dépression étant l’un des plus importants
✅ La prévention du suicide s’organise à l’échelle de la santé publique et de l’accompagnement individuel
✅ D’où l’importance de parler de ses idées suicidaires à un professionnel de santé et d’accompagner vos proches vers les soins lorsqu’ils vous confient de telles idées.
✅ Le 3114, c’est le numéro national de prévention du suicide, accessible 24h/24 et 7j/7, gratuitement. Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, composez le 3114.