Nous vous proposons des dossiers thématiques autour de la dépression afin de vous tenir informés des avancées scientifiques et de l’actualité des soins.
Les jours se rallongeant, le sommeil peut se désorganiser. C’est donc l’occasion d’essayer de mieux comprendre l’insomnie qui affecte environ 30% de la population générale et peut avoir des conséquences importantes sur la santé et la qualité de vie. Pourtant, l’insomnie reste trop souvent banalisée et mal prise en charge.
L’insomnie : un enjeu de santé publique majeur
L’insomnie est le trouble du sommeil le plus répandu, notamment chez les femmes et les personnes âgées. Elle touche environ 10% de la population générale de façon chronique et constitue un facteur de risque dans plusieurs maladies : métaboliques, cardiovasculaires et psychiatriques.
Les causes de ce trouble sont multiples. Cela étant, des facteurs démographiques (sexe féminin, âge avancé), des prédispositions biologiques et/ou psychologiques, certains traits de personnalité comme un tempérament anxieux ou perfectionniste, semblent augmenter le risque d’insomnie. Aussi, des évènements de vie stressants, des problèmes de santé, des mauvaises habitudes de sommeil ou encore la prise de certains médicaments peuvent déclencher voire maintenir des perturbations du sommeil et conduire à l’insomnie.
Comment la définir ?
L’insomnie s’identifie d’abord par des symptômes nocturnes, c’est-à-dire une difficulté à s’endormir, à maintenir son sommeil ou un réveil précoce. Or, un mauvais sommeil ne devient pathologique que s’il engendre des répercussions diurnes : fatigue, somnolence, difficultés de concentration, de mémorisation, détérioration de l’humeur, irritabilité, perturbations sociales, professionnelles, ou scolaires…
Insomnie et troubles psychiques
L’insomnie correspond au trouble du sommeil le plus associé aux pathologies psychiatriques et peut apparaître à n’importe quel stade de la maladie. Elle est associée à une évolution défavorable de la maladie, à une sévérité accrue des symptômes, à des rechutes ou des récidives et à un risque suicidaire plus élevé. Ainsi, l’insomnie est un facteur de risque modifiable important pour prévenir les troubles psychiatriques et/ou atteindre et maintenir la rémission.
L’insomnie comme baromètre de la dépression
Dans le domaine des troubles psychiatriques, notamment lors d’épisodes dépressifs caractérisés, jusqu’à 85 % des patients expriment une plainte liée à l’insomnie. En particulier, la dépression s’accompagne fréquemment de changements de rythmes et d’altérations de la structure du sommeil. De plus, l’insomnie est le symptôme résiduel le plus fréquent au cours des rémissions des épisodes dépressifs majeurs.
Ainsi, l’insomnie est souvent consubstantielle à la dépression et figure dans les critères diagnostiques de l’épisode dépressif caractérisé du DSM-5.
Par ailleurs, d’autres troubles du sommeil sont susceptibles de coexister avec un trouble psychiatrique, notamment la dépression. Ces troubles englobent des perturbations des rythmes circadiens (retard de phase des cycles veille-sommeil) et des troubles spécifiques du sommeil, tels que les troubles respiratoires du sommeil, les troubles moteurs du sommeil et les parasomnies.
Insomnie et dépression : des liens bidirectionnels
Si l’insomnie est un symptôme central de la dépression, il peut également constituer un facteur de déclenchement à part entière d’un épisode dépressif. Par exemple, des difficultés d’endormissement chez une femme enceinte sont identifiées comme facteurs de risque de dépression du postpartum. Des anomalies de structure du sommeil seraient alors prédictives d’un risque dépressif.
Par ailleurs, la moitié des épisodes ou des rechutes dépressives sont précédés d’une insomnie. La persistance de troubles du sommeil est prédictive d’une plus grande sévérité et d’un risque plus important de rechute dans la dépression majeure, avec un facteur de gravité lié à la durée du sommeil : plus elle est courte, plus grand est le risque de dépression.
Ainsi, l’insomnie augmenterait le risque de dépression en tant que facteur de vulnérabilité. Des altérations du sommeil peuvent donc être à la fois causes et conséquences des épisodes dépressifs.
La TCC-I : le traitement de référence
La thérapie cognitivo-comportementale de l’insomnie (TCC-I) est le traitement de référence pour l’insomnie chronique chez les adultes, que ce soit pour l’insomnie sans ou avec comorbidités. Cette approche vise à diminuer le délai d’endormissement et la durée des éveils nocturnes, tout en favorisant la continuité et la qualité du sommeil. Les symptômes diurnes de l’insomnie sont également impactés positivement : la fatigue, l’anxiété et l’irritabilité diminuent, améliorant la qualité de vie globale.
Lorsque l’insomnie est comorbide à un trouble psychique, la TCC-I s’avère efficace dans le traitement de l’insomnie en elle-même, mais également dans la diminution des symptômes psychiatriques associés. En effet, 60 % des patients présentant une dépression avec des troubles du sommeil ont une réponse thérapeutique pendant le traitement aigu et 50 à 60% des patients ayant répondu au traitement ont une rémission dans les 6 à 12 mois suivant la TCC-I. Ainsi, la TCC-I devrait toujours être envisagée comme une première option thérapeutique pour des sujets affectés par des troubles psychiques associés à l’insomnie : son impact est favorable sur la trajectoire des troubles psychiques..
Place des hypnotiques
Lorsque la TCC-I n’est pas suffisamment efficace dans le cas d’une insomnie aigue transitoire, les traitements hypnotiques permettent d’induire le sommeil et de diminuer les plaintes des sujets. Cependant, leur prescription n’est pas recommandée sur le long court. En effet, ils induisent des effets délétères non négligeables, tels qu’une somnolence diurne excessive, une altération de la concentration et de la mémoire ou encore des risques accidentels et de chute. Ils présentent également un risque élevé de dépendance et d’effet rebond. Ainsi, le rapport bénéfice-risque des hypnotiques au long terme est défavorable.
Autres traitements
La luminothérapie peut s’avérer efficace en complément de la TCC-I. Elle vise à rétablir le rythme circadien physiologique par l’exposition du patient à une lumière semblable à celle du soleil. Il s’agit d’un traitement principalement utilisé dans la dépression saisonnière et dont les premiers effets positifs sont visibles après une semaine. Néanmoins, quelques effets indésirables peuvent être rencontrés, comme une fatigue oculaire ou des maux de têtes.
Par ailleurs, l’effet thérapeutique des compléments alimentaires en libre accès, comme la mélatonine et les produits phytothérapeutiques, reste modeste. Souvent appelée « l’hormone du sommeil », la mélatonine peut aider à favoriser l’endormissement, mais les données scientifiques sur son efficacité restent peu probantes.